Au cœur de la découvrabilité: innover, créer et fidéliser les auditoires franco-canadiens à l’ère de l’abondance

Dans les milieux culturels, et particulièrement dans l’audiovisuel, la découvrabilité s’est imposée comme la nouvelle compétence à maîtriser pour assurer l’émergence de produits locaux à travers les multiples capteurs d’attention qui pullulent dans l’univers numérique. On connaît le terme, on en discute dans le cadre de colloques, de conférences et de formations, mais peu de producteurs culturels possèdent vraiment les connaissances et la structure nécessaires pour exploiter pleinement cette nouvelle compétence.

C’est vrai pour les entreprises de production audiovisuelle de bonne taille et encore plus pour les petites, comme la majorité des membres formant l’Alliance des producteurs francophones du Canada (APFC).

C’est pour s’attaquer à cette réalité que l’APFC a conçu le projet Au cœur de la découvrabilité dont l’aboutissement est prévu pour le printemps 2020.

«Notre premier intérêt, en lançant ce projet, c’était d’outiller nos membres pour qu’ils puissent se démarquer.»

Le contexte de la production audiovisuelle dans la francophonie canadienne

Les membres de l’APFC sont des producteurs de films, d’émissions de télévision et de médias numériques qui travaillent principalement en français et mènent leurs activités hors de la province de Québec.

Leurs productions peuvent être des émissions de télévision, des films, des projets multimédias ou encore des vidéos corporatives et éducatives. En tout, ce sont des centaines de productions, de tous les genres et dans tous les formats: fictions, émissions de variétés, programmation pour l’enfance et la jeunesse, documentaires, etc.

Leur public est constitué de personnes provenant de partout au Canada francophone – et, dans une moindre mesure, de la grande francophonie mondiale – ainsi que de personnes en situation d'apprentissage du français.

Les productions des membres de l’APFC offrent un reflet des communautés francophones en situation minoritaire, ces communautés disséminées dans neuf provinces et trois territoires. Qu’ils soient Acadiens, Fransaskois, Franco-Manitobains, Franco-Ténois, etc., les membres de ces communautés ont en commun de vivre une réalité culturelle différente de celle des francophones du Québec.

Il a toujours été très difficile de brosser un portrait précis de ce public, justement en raison de sa situation minoritaire. Historiquement, la mesure des auditoires en télévision repose sur la compilation de l’écoute d’un échantillon représentatif de la population d’un territoire ou d’un marché donné. La dispersion des Franco-Canadiens dans les marchés anglophones rend leur écoute de la télévision pratiquement impossible à mesurer.

Étant donné la transformation de l’environnement médiatique, cependant, on dispose maintenant d’outils et de canaux de communication qui permettent de mieux connaître et atteindre ces communautés. Voilà l’essence du projet mis en œuvre par l’APFC.

Amorcé en 2018, le projet vise à développer, implanter et valider les stratégies de découvrabilité et de développement d’auditoire les plus pertinentes pour les membres de l’APFC de même qu’à diffuser les résultats de ce banc d’essai ainsi que les outils et stratégies qui en émergeront.

À la fin du projet Au cœur de la découvrabilité, une documentation détaillée sur cette expérience sera publiée en ligne. Des outils et gabarits adaptables à différents formats et contextes seront également créés pour servir à l’ensemble des producteurs.

«Il devenait urgent de permettre aux communautés de s’approprier les nouvelles technologies, non seulement pour attirer leur public cible vers leurs contenus, mais aussi pour leur permettre d’aller à la rencontre de leurs auditoires»

S’approprier la nouvelle donne technologique

Au cœur de la découvrabilité est né des constats ayant émergé du Sommet de la découvrabilité organisé par le CRTC et l’ONF en mai 2016.

«Alors que l’Internet est omniprésent, nous sommes bombardés de contenus et nous devons transformer en profondeur les communications pour créer nos auditoires. Les experts des technologies novatrices et des projets originaux montrent comment l’utilisation de techniques et de plateformes d’accessibilité nouvelles peut aider à cibler les auditoires», peut-on lire sur le site Web du Sommet de la découvrabilité.  

Tous les producteurs de contenus doivent s’adapter à l’écosystème médiatique moderne, où une surabondance de contenus et une concurrence féroce et sophistiquée pour les auditoires se répondent.

«Pour les producteurs des communautés francophones en situation minoritaire, souligne Carol Ann Pilon, directrice générale de l’APFC, cette situation est exacerbée par leur situation particulière. Il devenait urgent de leur permettre de s’approprier les nouvelles technologies, non seulement pour attirer leur public cible vers leurs contenus, mais aussi pour leur permettre d’aller à la rencontre de leurs auditoires là où ils se trouvent et de développer des moyens pour les fidéliser.»

Un projet en plusieurs étapes

Lancé au printemps 2018, le projet a été découpé en quatre étapes:

  • revue de la littérature disponible, appuyée par un comité d’experts issus des milieux du marketing numérique, de la diffusion et du financement de la production audiovisuelle;
  • mise en place d’un banc d’essai avec six producteurs membres de l’APFC encadrés par les consultantes de LaCogency, une agence spécialisée en découvrabilité numérique;
  • production d’une documentation détaillée de ces études de cas qui sera publiée en ligne dans les deux langues officielles en 2020;
  • création d’outils et de gabarits qui serviront à l’ensemble des producteurs.

Le comité d’experts a contribué à la rédaction d’une définition «multicouche» de la découvrabilité qui a permis de structurer les actions mises en œuvre dans le cadre du banc d’essai:

Avec les avancées du Web sémantique et le succès croissant des plateformes de diffusion de vidéo sur Internet, la définition de la découvrabilité s’est précisée autour de deux conceptions qui sont complémentaires et qui devraient être intégrées l’une dans l’autre. La découvrabilité par qui? On parle alors d’actions dirigées vers des personnes (promotion, marketing). La découvrabilité par quoi? Il s’agit d’actions dirigées vers des systèmes automatisés (balisage sémantique pour moteurs de recherche, technologies du Web des données).

Les consultantes de LaCogency ont créé un diagramme qui illustre cette définition:

Au cœur de la transformation numérique de la chaîne de production de l’audiovisuel

Le caractère particulièrement innovateur et moderne du projet contribuera à ancrer solidement l’association et ses membres dans l’écosystème numérique.

«Notre premier intérêt, en lançant ce projet, explique Carol Ann Pilon, c’était d’outiller nos membres pour qu’ils puissent se démarquer.»

Le projet contribuera à mobiliser les producteurs autour de la transformation nécessaire de leur rôle, mais il conscientisera également les diffuseurs: leur collaboration est essentielle à son succès et – pour l’instant – celle-ci est acquise pour tous les projets retenus pour le banc d’essai.

«Les producteurs sont en train d’apprendre ce que ça veut dire la découvrabilité et comment ça s’articule aujourd’hui en 2019. Ce ne sera peut-être pas la même chose dans un an ou dans deux ou trois ans», ajoute Carol Ann Pilon.

«On sait à quelle vitesse la technologie transforme tout, mais peu importe comment on y arrive, ce avec quoi on restera, ce sont des méthodologies de travail qui pourront être mises en pratique dans le cadre de tous les projets.»


Danielle Desjardins
Danielle Desjardins offre des services d’analyse, de recherche et de rédaction aux entreprises et organisations des secteurs médiatiques et culturels par le biais de son entreprise La Fabrique de sens. Auparavant, elle était directrice de la planification à Radio-Canada, où, pendant une vingtaine d’années, elle a été responsable de dossiers stratégiques, institutionnels et réglementaires.
En savoir plus