Émissions jeunesse: la renaissance des séries en prise de vue réelle

Les séries télé pour enfants en prise de vue réelle n’ont peut-être pas joui du même succès explosif que les séries pour adultes au cours des dernières années, mais tout cela est en train de changer…

Par Julian Newby (MIP Trends)

Les récentes séries produites par des studios comme Nickelodeon et Disney témoignent de l’attrait international croissant pour des émissions jeunesse en prise de vue réelle.

« Une des principales forces de ces séries télévisuelles est que vous pouvez les commercialiser plus rapidement qu’une animation. Par conséquent, ces séries reflètent plus fidèlement les tendances actuelles », explique Nina Hahn, première vice-présidente, Production et développement pour Nickelodeon International.

Hahn donne un exemple pour illustrer l’importance de la recherche : « Il y a quelques années, nous recevions des commentaires selon lesquels les enfants trouvaient leurs parents gênants. Nous avons donc mis l’accent sur une philosophie “interdit aux parents” dans nos productions. Cependant, les choses ont évolué depuis et, aujourd’hui, les enfants considèrent leur famille comme leur “tribu”. Nous avons donc consciemment décidé d’intégrer des “parents-amis” dans nos émissions. »

Nickelodeon se fait aussi un point d’honneur de rester à l’affût des tendances en matière de médias numériques. Par exemple, la vedette des médias sociaux JoJo Siwa a fait des apparitions pour Nick comme animatrice d’émission, dans un film de télévision et comme vedette de sa propre téléréalité.

Photo : Hunter Street de NICKELODEON

Qu'en est-il des émissions jeunesse en prise de vue réelle au Canada?

Bien que Nickelodeon et Disney soient de grands joueurs en matière de programmation jeunesse en prise de vue réelle, ce ne sont pas les seuls à s’intéresser à ce genre.

« Nous exploitons nos propres chaînes au Canada et il existe d’autres joueurs comme la BBC, ZDF et ABC, l’arène australienne pour enfants. Maintenant qu’Amazon et Netflix sont également actifs dans ce segment, il est possible de développer une coproduction internationale ou encore de trouver une prévente d’envergure pour soutenir une émission », affirme Josh Scherba, vice-président directeur, Contenu et distribution pour DHX Media.

Scherba donne un exemple courant, soit Creeped Out, une série anthologique lugubre coproduite par CBBC et Family Channel, propriété de DHX au Canada. DHX détient les droits de distribution de l’émission, que Scherba qualifie de « genre de Black Mirror pour enfants ». Il ajoute ceci : « Notre objectif est de l’intégrer dans une grande plateforme internationale et de générer de l’engouement en amont du lancement. »

Scherba soutient que le format anthologique de Creeped Out représente un moyen efficace de contourner les restrictions habituellement associées à une coproduction : « Nous n’avons pas à entrer des éléments de force dans l’émission. Puisque chaque épisode est un récit individuel, il est plus facile pour nous de le produire de sorte à utiliser les ensembles de compétences auxquels nous avons accès à la fois au Canada et au Royaume-Uni. »

Le vaste catalogue d’émissions en prise de vue réelle de DHX comprend Degrassi, Make It Pop, Hank Zipzer et une nouvelle émission intitulée Bajillionaires, « qui suit les traces d’un groupe de jeunes qui tentent d’inventer quelque chose, explique Scherba. C’est un genre de Silicon Valley pour enfants. Ça raconte leur résilience alors qu’ils tentent de découvrir la prochaine grande chose qui les enrichira. »

Deux sous-catégories qui s'exportent facilement : les émissions de fantaisie et de musique

Les séries de fantaisie tendent à être facilement exportables, affirme Steven Andrew, directeur créatif de Zodiak Kids Studio au Royaume-Uni. « Des sorcières, magiciens, extra-terrestres, fantômes et autres créatures forment un paysage neutre, ajoute Andrew. Ils nous aident à contourner les petites différences qui peuvent représenter des obstacles. »

Andrew, un vétéran de l’industrie de la programmation pour enfants, rappelle le succès de Wolfblood du temps qu’il travaillait pour la BBC. Il cite également les projets à thématique de sirène que ZDF Enterprises (ZDFE) distribue pour le compte du studio australien Jonathan M. Shiff Productions. H2O Just Add Water a été vendue à 120 pays, tandis que sa suite, Mako Mermaids, a été achetée par Netflix pour le marché mondial.

D’autres fantaisies à succès incluent The Worst Witch, une coproduction de la BBC, ZDF et Netflix à partir des romans de Jill Murphy. ZDFE est également de retour sur le marché international avec The Bureau of Magical Things, le plus récent projet pour enfants de Jonathan M. Shiff.

Photo : The Bureau of Magical Things
Filmée en Australie, l’émission suit les aventures d’une adolescente qui acquiert des pouvoirs magiques lorsqu’elle est prise au centre d’un conflit entre un lutin et une fée.

Hahn souligne que Nickelodeon est également active dans le segment des émissions fantaisistes/magiques. En mai, la société a présenté les plans d’une nouvelle émission en 20 épisodes intitulée Knight Squad, qui se déroule dans une école magique pour jeunes chevaliers en formation.

Andrew de Zodiak affirme que les émissions de musique ou d’arts de la scène forment un autre genre qui s’exporte bien. Son entreprise a produit The Lodge for Disney, tandis que la contribution de DHX au genre comprend Backstage, vendue sous licence à Disney et à Netflix.

« Des émissions artistiques bien produites créent une aspiration que les auditoires apprécient, dit Andrew. Cependant, elles sont aussi très visuelles et remplies d’action. C’est quelque chose qu’elles partagent avec les séries fantaisistes et une autre raison qui explique qu’elles s’exportent bien. Il est important d’éviter d’être trop “verbal” si vous voulez que votre émission soit exportable. Et vous aurez probablement besoin de recourir à la caractérisation audacieuse et non ambiguë ayant toujours permis de faire ressortir les telenovelas. »

Coproductions : un modèle gagnant pour les séries télévisées jeunesse

Un autre modèle qui semble fonctionner à l’échelle internationale est la coproduction, dans laquelle le personnage principal de l’histoire visite un autre pays.

Par exemple, la maison de production britannique Lime Pictures a connu du succès avec Free Rein, diffusée par Netflix. L’histoire met en vedette une Américaine de 15 ans qui visite une écurie au Royaume-Uni.

Entre-temps, Zodiak plane notamment sur Joe All Alone – qui raconte l’histoire d’un garçon de 13 ans dont la vie trouble commence à s’améliorer après que sa mère et l’ami de cœur de cette dernière le laissent derrière pendant leurs vacances en Espagne – inspirée du roman de Joanna Nadin et Secret Life of Boys de CBS, dans laquelle une fille australienne séjourne chez ses quatre cousins britanniques.

Photo : Secret Life of Boys
Un autre point d’intérêt de Secret Life of Boys, selon Andrew, est que l’émission intègre des éléments interactifs qui permettent d’approfondir le niveau d’engagement par l’entremise des intuitions des personnages, des secrets de l’histoire et des blagues additionnelles.

Les séries jeunesse en prise de vue réelle pour les tout-petits

Alors qu’une majorité des émissions jeunesse en prise de vue réelle visent le marché des 8 à 12 ans, quelques sociétés remportent du succès à présenter ce type de contenu à des auditoires encore plus jeunes. Billy Macqueen, cofondateur de Darrall Macqueen, affirme que la série à grand succès Topsy and Tim de son entreprise fait partie de la poignée d’émissions ayant inspiré aux diffuseurs la confiance d’expérimenter avec la prise de vue réelle auprès d’enfants d’âge préscolaire.

« Topsy and Tim est une création britannique ayant connu du succès par la suite en France et aux États-Unis, où elle est diffusée sur les ondes d’Universal Kids, explique Macqueen. « Je pense que cela s’explique en partie par la qualité de la production et en partie par l’accent mis sur un thème universel, soit les premières expériences. Aussi, les diffuseurs apprécient le fait que l’émission présente un niveau élevé de répétabilité, ce qu’on peut aussi constater par le nombre de visionnements de l’émission via BBC iPlayer. »

Darrall Macqueen travaille maintenant sur une nouvelle émission destinée au même groupe d’âge, intitulée Waffle the Wonder Dog. Macqueen est persuadé qu’elle puisse remporter le même niveau de succès international que Topsy and Tim : « Waffle est pour la BBC et DHX Media se charge de la distribution. Ça présente un chien qui parle et nous sommes d’avis que ça plaira aux enfants partout dans le monde. Aussi, la commande initiale de 30 épisodes de 11 minutes chacun plaît aux diffuseurs. »

Un autre groupe d’âge qui n’a pas beaucoup de contact avec la prise de vue réelle est celui des 6 à 9 ans. Cependant, c’est le segment que Beth Stevenson, fondatrice et présidente de Brain Power Studio, explore avec The Ponysitters Club, une émission produite au Canada.

Photo : The Ponysitters Club de Brain Power Studio

Ayant été productrice ou productrice déléguée de 35 séries pour enfants, Stevenson connaît bien son marché et soutient que l’accent que l’émission met sur l’empathie, l’inclusion et la compassion traversera les frontières.

« Ce qui manque dans le marché est une série familiale classique comme La Famille des collines ou La Petite Maison dans la prairie. Ces émissions faisaient chaud au cœur et des enfants y tenaient des rôles clés, explique-t-elle. C’est ce que nous voulions reproduire avec The Ponysitters Club. Le problème avec bon nombre de comédies légères aujourd’hui est qu’elles ne vous permettent pas vraiment d’aborder de façon satisfaisante les enjeux auxquels font face les enfants.»

Le premier diffuseur à adopter The Ponysitters Club a été Discovery Latin America : « Je pense que les soins animaliers sont quelque chose qui plaît à des auditoires partout dans le monde, ajoute Stevenson. L’émission présente des enfants qui travaillent sur un ranch de sauvetage de chevaux. Les enfants peuvent y faire de l’équitation et prennent soin des chevaux. Cela leur confère un sens des responsabilités et un sentiment d’autonomie, ce à quoi tous les enfants peuvent s’identifier. »


Cet article est publié dans le cadre d’un partenariat éditorial entre FMC Veille et le MIPBlog.


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