Les usages médias des 5-8 ans : l’autonomie contrôlée de l’enfant

Un billet de Gaëlle SaulesFlorence Roche et Judith Beauregard.

Si ce sont les parents qui établissent ce avec quoi leur enfant de 3 à 5 ans se divertit, entre 5 et 8 ans, l’enfant devient de plus en plus autonome dans ses usages et affirme davanatge ses préférences en matière d’activités et de contenus.

Symbole de cette autonomie? La majorité des 5-8 ans aux États-Unis (59 %) possèdent leur propre tablette selon une étude de Common Sense Media. Elle représente d’ailleurs leur support préféré devant la console de jeu, la télévision et le mobile.

Les parents dictent les règles relatives à l’utilisation des écrans

Le parent n’est plus accompagnateur, mais garde tout de même un contrôle sur ce que l’enfant fait. C’est lui qui pose les règles de téléchargement et d’utilisation des applications, par exemple. Selon une étude menée par Ofcom au Royaume-Uni, 73 % des parents d’enfants âgés de 5 à 7 ans déclarent baliser les sites ou les applications que leurs enfants peuvent consulter et 55 % d’entre eux contrôlent le temps passé en ligne.

Plus l’enfant grandit, plus il consacre de temps aux jeux vidéo et aux jeux mobiles

Selon les données de Statistique Canada, les enfants canadiens âgés de 5 à 11 ans passent en moyenne 2 heures et 18 minutes par jour sur les écrans, contre 2 heures dans le cas des enfants de 3 à 5 ans.

Les usages différents entre les deux tranches d’âge se manifestent aussi dans les activités auxquelles ce temps est consacré. Selon l’étude de Common Sense Media, le visionnement de vidéos, tous supports confondus, reste l’activité favorite (accaparant 65 % du temps d’écran des 5 à 8 ans aux États-Unis), alors que le jeu vidéo et le jeu mobile occupent une place plus importante lorsque l’enfant grandit : les enfants américains de 5 à 8 ans y consacrent 42 minutes par jour, soit deux fois plus de temps que les 3 à 5 ans (21 minutes par jour).

YouTube pour regarder des dessins animés et des vidéos humoristiques

Les enfants âgés de 5 à 8 ans apprennent par eux-mêmes à naviguer en ligne et à choisir les vidéos qu’ils visionnent. YouTube fait partie des plateformes de prédilection auprès de cette tranche d’âge. Cela est notamment attribuable à l’interface qui permet à l’enfant de découvrir de nouveaux contenus recommandés sans devoir faire de requêtes.

Selon l’étude menée par Ofcom au Royaume-Uni, 71 % des 5 à 7 ans utilisent YouTube. Quels sont les types de contenus les plus visionnés? D’après leurs parents, 69 % y regardent des dessins animés et de l’animation; les vidéos humoristiques et les défis arrivent en deuxième position (à 53 %). Le déballage de jouets (unboxing) arrive en sixième position (20%) mais les parents, réticents face à ce genre de contenus, minimisent peut-être la réelle consommation de ce genre de vidéos par leurs enfants.

Les mondes virtuels, jeux sociaux populaires auprès des 5 à 8 ans

Entre les âges de 5 ans et de 8 ans, l’enfant développe ses attaches sociales et cela se manifeste aussi dans ses usages médias. Parmi les types de jeux populaires auprès de la tranche d’âge, on trouve ainsi les mondes virtuels comme Minecraft (voir l’étude de cas plus bas), Roblox ou encore Star Stable et Clash of Clans.

Tous ces jeux multijoueurs en réseau ont pour point commun d’avoir un très fort aspect social où la communauté joue un rôle important qu’il s’agisse de coopération ou d’affrontement. D’après Common Sense Media, 22 % des 5 à 8 ans affirment jouer à ce type de jeux.

Génération de vidéastes

Les activités en ligne ne se résument pas aux jeux et aux visionnements. Toujours selon l’étuded’Ofcom, un quart des 5 à 7 ans au Royaume-Uni ont déjà créé des vidéos. C’est un phénomène qui gravite notamment autour des jeux Minecraft et Roblox, où de nombreux jeunes joueurs-vidéastes filment et commentent leurs parties.

Le co-usage avec les parents

En plus de ces usages autonomes de l’enfant, il existe aussi des habitudes médiatiques familiales. C’est un trait caractéristique de la nouvelle génération de parents, parfois surnommés les « peerents » (ou parents pairs). Ces derniers apprécient les divertissements en famille.

Étude de cas : Minecraft

Avec 55 millions de joueurs connectés tous les mois et plus de 122 millions d’exemplaires vendus depuis sa création, Minecraft est devenu le deuxième jeu le plus vendu de l’histoire (derrière Tetris avec 170 millions d’exemplaires vendus).

Ce jeu – créé en 2011 par le studio suédois Mojang, puis racheté pour 2,5 milliards de dollars par Microsoft en 2014 – est devenu une référence auprès du jeune public, à un point tel que le New York Times a été jusqu’à parler de la « génération Minecraft ».

Ce qui plaît au jeune public ? Un jeu « bac à sable » rejouable à l’infini!

Sur le principe, Minecraft peut se comparer à une boîte de pièces LEGO, à cela près qu’on dispose d’une infinité de briques pour construire et que le terrain de jeu se partage en réseau avec le monde entier. Les possibilités de création sont dès lors illimitées.

Aucun scénario prédéfini, aucune quête à réaliser… Minecraft est un monde ouvert, un jeu qualifié de bac à sable. Il offre aux joueurs une grande liberté de choix en matière de modes de jeu (créatif, aventure, survie) ainsi que la possibilité de bâtir leur propre univers et de le proposer aux autres et pousse la personnalisation à l’extrême.

Un jeu multijoueurs dans lequel la communauté tient le premier rôle

Le jeu peut ainsi être constamment enrichi par l’ajout de « mods », des modules développés par la communauté elle-même qui permettent d’intégrer de nouvelles fonctionnalités, de nouveaux mondes à explorer ou encore de nouveaux modes de jeu ou d’affichage.

Le succès de Minecraft est attribuable à la force de sa communauté de joueurs. Celle-ci, très active dans les forums, s’illustre également beaucoup sur YouTube, qu’il s’agisse de réaliser des tutoriels ou de raconter une histoire inspirée de parties réalisées en mode aventure. Le New York Times estime ainsi à plus de 70 millions le nombre de vidéos consacrées au sujet sur YouTube.

En plus de plaire aux enfants et aux jeunes adolescents, le jeu regroupe des joueurs plus expérimentés et âgés qui guident les nouveaux dans leurs premiers pas. En effet, une des particularités du jeu est de ne pas proposer de tutoriel ou de guide au premier lancement; le joueur doit ainsi lui-même se renseigner auprès de la communauté.

Les enfants peuvent y jouer sur tous les supports

Un des grands chantiers porté par Microsoft après le rachat de Minecraft a été de rendre le jeu accessible sur un nombre maximal de supports. Minecraft est aujourd’hui compatible avec toutes les principales consoles de jeu ainsi que les ordinateurs, les tablettes et les appareils mobiles. Le jeu compte même une version en réalité virtuelle adaptée aux casques comme l’Oculus Rift.

Un outil pédagogique permettant de développer de multiples compétences

Aujourd’hui, Minecraft est souvent présenté comme un excellent outil pédagogique pour les enfants, permettant de développer leur créativité, favorisant la collaboration en équipe ou encore faisant appel à des notions de programmation, de mathématiques et d’architecture. Consciente du phénomène, Microsoft a lancé une version éducative du jeu en 2016 – Minecraft Education Edition – spécialement conçue pour une utilisation en classe.

Minecraft et son concurrent Roblox

Malgré la très forte montée en popularité de son concurrent, Roblox, qui reprend à quelques nuances près le même principe – une plateforme de jeux générés par les utilisateurs – et revendique à son tour 50 millions de joueurs actifs, parions que Minecraft et sa communauté ont encore de beaux jours devant eux.


Gaëlle Saules
Spécialiste multiplateforme numérique, forte de son expérience en développement de chaines et distribution de contenus numériques chez France Télévision Distribution, Gaëlle Saules pilote chez Tobo les études d'usages et les stratégies de découvrabilité avec des projets tels que Jenny (Avenida, Unis) ou des clients tels que Radio-Canada ou Bayard.
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